Totémisme
Le totémisme est un concept anthropologique qui désigne un mode d’organisation social et religieux, clanique ou tribal, fondé sur le principe du totem. On peut dire, par exemple, comme Anne Stamm1, ethnologue membre du CTHS, qui écrivait : « un « totem » est un animal, un végétal, voire un objet fabriqué qui est considéré non seulement comme le parrain du groupe ou de l’individu mais comme son père, son patron ou son frère : un clan se dit parent de l’ours, de l’araignée ou de l’aigle ».
Le lien entre le groupe social, ou l’individu, et son totem n’est pas seulement fondé sur une analogie de nom ou sur une ressemblance quelconque (la ruse du renard et la ruse d’un individu), mais est un rapport spirituel qu’on a pu qualifier de mystique 2. Bien que le nom du totémisme provienne du mot « totem », lui-même emprunté à l’ojibwa(langue algonquienne) ototeman, le totémisme se retrouve dans d’autres cultures qu’en Amérique du Nord, par exemple en Amazonie, chez les Aborigènes d’Australie, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, en Afrique (chez les Dinka), etc 3.
Description
La conception traditionnelle du totémisme par les anthropologues4 associe plusieurs éléments :
- Ancêtre : le totem est une espèce naturelle (un animal ou un végétal, parfois un phénomène naturel), présenté comme un ancêtre mythique ou un parent lointain de son groupe social (en général le clan, parfois la fratrie, la classe d’âge) ; cette espèce symbolique peut être représentée par un « totem », au sens d’objet rituel sculpté, peint, façonné.
- Éponyme : souvent cet « ancêtre » donne son nom au clan. Les cinq principaux totems des Ojibwé (un groupe amérindien) étaient la grue cendrée, le poisson-chat, le huard, l’ours et la martre.
- Homologie ou classification : le totem est une façon d’établir des corrélations entre, d’un côté, les végétaux ou les animaux et, de l’autre, les groupes humains sociaux. Le terme « totem » sert parfois, chez les Ojibwé, à énoncer son appartenance clanique : makwa nindotem, « l’ours est mon clan ». Il s’agit en fait d’une formule abréviative qui recouvre la signification suivante : « Je suis apparenté avec celui qui appartient au clan dont l’éponyme est l’ours, donc j’appartiens à ce clan »5.
- Religion : le totem est sacré, on ne le consomme pas, on le respecte, on le craint. Le totem est présenté comme le fondement des institutions, un modèle de comportement, une exigence d’organisation.
- Parenté, exogamie : le totem organise les alliances et les systèmes de parenté. La plupart du temps, obligation est faite de choisir son conjoint en dehors du clan qui a le même totem ; l’exogamie totémique exige que les épouses soient d’un clan (par exemple l’ours) et les époux forcément d’un autre (par exemple la martre).
Le totémisme se distingue de la possession d’un esprit tutélaire, phénomène répandu chez les Nord-Amérindiens.
Histoire du totémisme, comme catégorie anthropologique
C’est à partir d’un terme ojibwé, langue algonquine parlée autour des Grands Lacs de l’Amérique du Nord, que se constitue le « totémisme ». Le mot revient à un anglais, John Long, qui l’utilisa en 1791 pour désigner un esprit bienveillant qui protège les hommes. Un groupe d’hommes est ainsi sous la protection d’un totem6. C’est James George Frazer qui introduit le débat sur le totémisme en 1887 et qui propose la définition suivante : « un totem est une classe d’objets matériels que le sauvage considère avec un respect superstitieux et environnemental, croyant qu’il existe entre lui et chacun des membres de la classe une relation intime et tout à fait spéciale ».
Pour les anthropologues américains, qui révisent les théories britanniques (théories britanniques constituées à partir de l’ethnographie australienne) à la lumière des faits ethnographiques recueillis auprès des peuples autochtonesamérindiens, le totem désigne le nom d’un groupe. On privilégie la relation entre le groupe ou l’individu avec l’objet naturel duquel il porte le nom. Franz Boas précise qu’il ne cherche pas à étendre cette analyse, car il n’entend pas faire du totémisme une théorie générale, au contraire de James Frazer, qui cherche une unité dans le totémisme.