Tartès
Chaos (géologie)
Débarrassées de leur gangue d’arène, les Pierres Jaumâtres sont marquées par des encoches de pédogenèse résultant de l’attaque de leur partie enterrée par les acides humiques et fulviques. Les encoches, visibles aussi bien sur le « rocher-champignon » que les blocs adjacents, correspondant au niveau du sol fossile (notion de paléosol).
En géomorphologie, un chaos — de blocs ou de boules — (ou mer de blocs : felsenmeer) désigne un modelé de déchaussement de blocs ou de rochers dégagés par l’érosion. Ces formes font partie des produits de la météorisation comme les tors (rochers en position de sommet ou de versant d’interfluve, à la différence du chaos en fond de vallée ou du champ de blocs en pied de falaise rocheuse ou entre les pointes rocheuses et les platiers), les arènes et à une échelle supérieure les inselbergs. Elles sont associées à des formes mineures d’érosion (micromodelés tels les taffoni, les vasques— microformes les plus répandues sur les rochers granitiques, les cannelures, etc.) dont la datation et l’interprétation sont parfois réalisées mais restent difficiles en raison de la multiplicité des facteurs qui conditionnent leur genèse et la vitesse de leur évolution (la vitesse de la désagrégation pouvant atteindre parfois plusieurs millimètres ou même plusieurs centimètres par millénaire au cours de l’Holocène dans les milieux tempérés océaniques)2,3.
Les paysages de chaos s’expriment sous toutes les latitudes et dans des roches de nature très différentes. Ces blocs sculptés par les agents météoriques selon des systèmes de diaclases subhorizontaux et subverticaux, donnent des reliefs qui surprennent par leurs arrangements défiant les lois de l’équilibre (typiquement les pierres branlantes) et leurs formes qui ont fécondé l’imaginaire populaire, d’où leurs microtoponymes et leur association à des légendes locales. Ils ont de plus en plus une vocation touristique (paysage, escalade) voire à être classés comme géotopes4.
Appellations et échelles
Les chaos, les pierriers, les champs de blocs ou de blocaille, felsenmeers (mers de blocs) ou encore blockfields sont des termes utilisés par les géomorphologues sans que les limites entre ces appellations soient toujours claires tant sur les origines (météorisation, cryoclastie, etc.) que sur les échelles. Un felsenmeer par exemple est une couverture superficielle de blocs jointifs. Le terme n’est pas génétique : différents processus peuvent être responsables de sa formation comme la cryoclastie.
Les surfaces concernées dépendent bien sûr des affleurements rocheux eux-mêmes mais également des processus de déplacement mis en œuvre (gravité, glace, etc.). La longévité de ces modelés est elle aussi variable tant du point de vue des processus naturels que de l’exploitation humaine (carrière, tourisme). La question de la genèse des champs de blocs est complexe, les convergences de formes compliquent sans doute les interprétations.
Le toponyme chaos a été beaucoup utilisé en exogéologie pour nommer par exemple des régions chaotiques de Mars et de la lune de Jupiter, Europe5,6
La formation
Plusieurs types de phénomènes prévalent à la formation de chaos rocheux.
Sur les versants, les accumulations de débris (au sens géomorphologique) sont de dimensions et de formes diverses correspond à des éboulements en masse, tabliers d’éboulis, des cônes, des glissements de masse et des chaos de blocs, et des blocs isolés. Composition et granulométrie de ces formations dépendent des caractères lithologiques, mécaniques (cohésion, densité, discontinuités, etc.) et tectoniques des matériaux. En positions sommitales, la météorisation sous certaines conditions, produit des chaos de blocs. Ces formations peuvent être plus ou moins ennoyées dans les manteaux d’arènes ou déplacées. Les facteurs sont : la présence d’eau météorique (pH et température), de nappes, de mode de circulation de l’eau, des cycles gel-dégel, la topographie (pentes des versants, escarpements), etc.
- les formations en boules des roches cristallines : le processus de météorisation du granite sain conduit à la désagrégation des minéraux constitutifs du granite qui donnent des sables (issus des quartz et des feldspaths) et de l’argile (issue des micas) à la faveur des discontinuités (diaclases, filons, etc.) empruntées préférentiellement par l’eau. Ce processus débute dès le refroidissement du magma pour les granites : lors de son refroidissement, il se forme des fissures de retrait majoritairement orthogonales, les diaclases, qui débitent le massif granitique en blocs parallélépipédiques. Les eaux de surface s’infiltrent plus ou moins profondément et provoquent l’altération des feldspaths par hydrolyse en argile, entraînant en surface la désagrégation du granite en arène granitique. Ensuite, cette argile, facilement mobilisable, provoque la désagrégation de la roche avec libération du quartz et des micas. Lorsque les argiles de décomposition des feldspaths sont, avec le quartz et le mica, entraînés par les eaux qui circulent dans les diaclases, l’arène peut être dégagée et il ne reste plus que les boules de granites (issus de la transformation des parallélépipédique en profondeur) qui donnent progressivement les chaos7.
- la dissolution karstique ;
- les héritages glaciaires et périglaciaires (Cf. les felsenmeers des anglo-saxons) : les paysages polaires sont riches en champs de blocs. La présence des chaos de blocs en place a servi initialement à définir les limites des régions englacées, les glaciers emportant les arènes et déplaçant les blocs et en particulier les tors. Cependant, il n’est pas toujours concevable d’envisager une reconstitution des paysages de blocs sur la durée de l’Holocène (10 000 ans) tant les processus de météorisation sont lents et peu efficaces en contextes polaire et subpolaire. Par contre, les fentes de décompression (dues à la libération par les glaces des versants de vallée) au Spitzberg ont parfois livré des blocs gigantesques en quelque 1 500 ans8;
- en situation littorale, au pied de falaise, sur les platiers (ex. commune de Guétary, Pyrénées atlantiques).
Chaos granitiques
Les chaos granitiques évoluent à la faveur de la cristallisation et du refroidissement en profondeur d’une intrusion granitique, créant un réseau de failles de retrait majoritairement orthogonales en profondeur : ces diaclases débitent alors le granite intrusif en blocs parallélépipédiques9,10. Lorsque l’érosion des roches avoisinantes plus tendres fait affleurer le pluton granitique, les eaux de surface érodent ce massif granitique. L’érosion en profondeur hydrolyse les feldspaths en argiles, ce qui désagrège le granite en arène granitique, l’érosion en surface par l’eau qui s’infiltre dans des crevasses plus ou moins larges finit par faire éclater la roche. Cette « pourriture » tertiaire (arénisation) suivie de la gélifraction quaternaire conduit à dégager des blocs parallélépipédiques de granite qui continuent à s’éroder en « peau d’oignon ». Il en résulte des pierres de toutes tailles, des boules de pierres (formation de tors) qui finissent par s’amasser les unes aux autres dans des équilibres parfois précaires ou se désolidariser complètement et s’accumuler11pour former un chaos granitique en « château fort » (les diaclases essentiellement verticales donnent au rocher l’allure d’une fortification hérissée de créneauxlorsque le ruissellement se produit sur des pentes fortes, cas fréquent dans les domaines méditerranéens et en climat tropical à saison sèche marquée12) tandis que le glissement des blocs sur les versants forment les « chaos de pente »13.