Paléoanthropologie
Paléoanthropologie
La paléoanthropologie, ou paléontologie humaine, est la branche de l’anthropologie physiqueou de la paléontologie qui étudie l’évolution de la lignée humaine.
L’évolution de la lignée humaine désigne les différentes étapes qui ont permis d’aboutir à l’homme moderne à partir de ses ancêtres primates. Elle ne se limite pas à l’étude du genreHomo mais inclut plus généralement tous les membres de la sous-tribu des Hominina (ou hominines), y compris les taxons collatéraux.
La paléoanthropologie s’appuie essentiellement sur l’étude des fossiles, mais recourt également à d’autres approches comme la primatologie. Elle est puissamment aidée par des instruments d’imagerie de plus en plus sophistiqués, longtemps réservés à la médecine de pointe, voire à la physique nucléaire comme l’European Synchrotron Radiation Facility. Elle exploite aussi de manière croissante, depuis l’orée du xxie siècle, les analyses génétiques, devenues nettement plus accessibles grâce au progrès rapide des techniques d’extraction et de séquençage de l’ADN.
Cette science ne peut exploiter qu’un matériel fossile encore fragmentaire et rare. De plus, les travaux des chercheurs conduisent à émettre des hypothèses qui font rarement l’unanimité au sein de la communauté des paléoanthropologues, et qui sont souvent remises en question lors de découvertes ultérieures. Touchant à un domaine sensible (l’origine d’Homo sapiens), la paléoanthropologie a connu une histoire agitée qui n’en est encore qu’à ses débuts.
Histoire
Depuis le xixe siècle, les découvertes de fossiles humains ou pré-humains se sont succédé sur tous les continents, chacune des régions concernées focalisant l’attention des chercheurs à des époques différentes.
Europe
Au début du xixe siècle, l’Ancien Testament est l’ouvrage de référence qui décrit l’histoire de l’Homme sur la Terre. Il est alors lu principalement littéralement, et pour une très grande majorité l’aventure humaine est avant tout céleste, dans son origine comme dans son évolution. En l’espace d’un demi-siècle, l’association de la théorie de l’évolution de Charles Darwin et de découvertes allant dans son sens vont progressivement modifier cette vision que l’Homme a de lui, l’amenant à considérer les écrits bibliques comme plus allégoriques, et le poussant surtout à concevoir le fait qu’il a bel et bien un passé terrestre, qui est peut-être beaucoup plus étendu dans le temps que ce qui aurait pu être imaginé.
En 1823 est découverte au Pays de Galles la dame rouge de Paviland, premier Homo sapiens fossile connu, mais que l’on date erronément à ce moment de l’époque romaine.
En 1829, Philippe-Charles Schmerling, médecin belge, découvre dans les grottes d’Engisplusieurs ossements fossiles, dont un crâne humain qui sera bien plus tard identifié comme celui d’un enfant néandertalien (Engis 2), et le crâne d’un adulte du néolithique (Engis 1). L’association, dans un même contexte stratigraphique, de restes d’animaux disparus, de restes humains et d’outils taillés, l’amène à dire qu’il a existé un homme fossile1. Mais il est à l’époque encore trop tôt pour que les esprits acceptent d’admettre l’existence passée d’une autre espèce humaine. En 1848, un crâne d’adulte néandertalien, beaucoup plus caractéristique, sera découvert à Gibraltar dans la carrière de Forbes; il subira le même sort que celui découvert en Belgique.
En 1856, dans une carrière de la vallée de Néander, en Allemagne, des ouvriers mettent au jour des ossements et un fragment de crâne qu’ils remettent à Johann Carl Fuhlrott, un passionné d’histoire naturelle. Celui-ci remarque immédiatement la particularité de ces ossements qui, bien qu’étant visiblement différents de ceux d’un homme actuel, en possèdent tout de même certaines caractéristiques. Mais là encore, on ne va pas admettre immédiatement la parenté de l’homme auquel a appartenu ce crâne avec notre espèce. Le nom du lieu de la découverte va pourtant devenir célèbre, après que dans les décennies suivantes, les découvertes d’ossements de ce genre se seront multipliées. Jacques Boucher de Perthes publie de 1846 à 1864 les premiers ouvrages questionnant l’ancienneté des sites de fouille, montrant par la stratigraphie que les outils de pierre sont attribuables à des hommes « anté-diluviens ». L’espèce Homo neanderthalensis est décrite en 1864 et il s’agit du premier fossile humain ancien identifié comme tel. Les découvertes suivantes concernent à la fois des fossiles d’Homo sapiens (Homme de Cro-Magnon en 1868) et d’Homme de Néandertal, dont les squelettes de la grotte de Spy en 1886 et de La Chapelle-aux-Saints en 1908.
En 1859, première date cruciale pour la théorie de l’évolution, Charles Darwin publie L’Origine des espèces. À la suite des théories énoncées dans cet ouvrage, le biologiste et philosophe allemand Ernst Haeckel proposa un arbre généalogique théorique de l’homme dans lequel il fait apparaître un « chainon manquant », un être intermédiaire entre le singe et l’homme. Dans son ouvrage L’histoire de la création naturelle paru en 1868, il nomma cette créature hypothétique Pithecanthropus alalus2. Le nom de genre est formé à partir des racines grecques πίθηκος, píthēkos, « singe » et ἄνθρωπος, anthropos, « homme ». Le nom d’espèce est formé sur le préfixe privatif « a- » et le λαλέω / laleô, « parler » : l’absence de langage articulé était en effet considérée comme l’une des caractéristiques nécessaires du Pithécanthrope.
En 1871, Darwin publie La Filiation de l’homme et la sélection liée au sexe, ouvrage dans lequel il avance que, dans la nature actuelle, les chimpanzés et les gorilles sont les plus proches parents de l’espèce humaine et qu’un jour, on trouvera des ancêtres communs qui seront africains.
En 1912, on annonce la découverte sensationnelle en Angleterre, à Piltdown, d’un crâne d’homme qui a toutes les caractéristiques de l’homme actuel, excepté une mâchoire primitive. On voit en ce fossile le « chainon manquant » tant recherché entre le singe et l’Homme. Il a 600 000 ans environ ; il est alors décrit comme le véritable ancêtre de l’Homme moderne, au détriment de l’Homme de Néandertal. Il faudra attendre 1953 pour que l’on démontre définitivement que l’homme de Piltdown est une supercherie.