Lidar
La télédétection par laser ou lidar, acronyme de l’expression en langue anglaise « light detection and ranging » ou « laser imaging detection and ranging » (soit en français « détection et estimation de la distance par la lumière » ou « par laser »), est une technique de mesure à distance fondée sur l’analyse des propriétés d’un faisceau de lumière renvoyé vers son émetteur.
À la différence du radar qui emploie des ondes radio ou du sonar qui utilise des ondes acoustiques, le lidar utilise de la lumière (du spectre visible, infrarouge ou ultraviolet). Celle-ci est quasiment toujours issue d’un laser, et donc cohérente.
Le principe de la télémétrie (détermination de la distance d’un objet), qui concerne une grande partie des applications du lidar, requiert généralement l’utilisation d’un laser impulsionnel. La distance est donnée par la mesure du délai entre l’émission d’une impulsion et la détection d’une impulsion réfléchie, connaissant la vitesse de la lumière. Une autre classe d’applications exploitant la mesure de vitesse emploie un laser à spectre d’émission fin (une fréquence bien déterminée), conjugué à l’effet Doppler-Fizeau, soit le décalage de la fréquence de l’onde réfléchie et reçue, qui permet alors de déterminer la vitesse de l’objet. Dans l’atmosphère et les autres milieux diffus, beaucoup d’autres paramètres (concentrations de gaz et de particules spécifiques, densité, température…) peuvent être mesurés si l’on sait isoler l’effet des différentes interactions entre la lumière et la matière le long du faisceau laser.
Le lidar, instrument incontournable de télédétection active1, trouve ses applications en topographie2 (géomorphologie, altimétrie et bathymétrie), géosciences (risque sismique3,4, météorologie5, physique de l’atmosphère6) et sciences de l’environnement (étude de la pollution atmosphérique7, agronomie & sylviculture8), mais aussi dans l’archéologie9, la prospection éolienne10, la régulation du trafic aérien11, le guidage automatique12 de véhicules terrestres ou spatiaux, ou encore la sécurité routière13 ou la défense14.
Peu après leur invention au début des années 1960, les premiers lasers à rubis naturellement impulsionnels de Théodore Maiman sont exploités pour la télémétrie fine à grande distance. Aux États-Unis, Louis Smullin et Giorgio Fiocco du Massachusetts Institute of Technology (MIT) les emploient pour mesurer précisément la distance Terre-Lune en (Project Luna See)15, alors que Guy Goyer et Robert Watson du National Center for Atmospheric Research (NCAR) les appliquent parallèlement à la mesure de la hauteur des nuages16. Ils appellent leur système « radar optique » (optical radar).
L’utilité et la précision des systèmes lidar deviennent connus du grand public en 1971 lors de la mission Apollo 1517, qui cartographie la Lune à l’aide d’un altimètre laser. Alors que le mot lidar avait originellement été créé par l’assemblage de « light » et « radar »18, on considère à partir de cette même époque que leur dénomination est plutôt l’acronyme de « Light Detection And Ranging » ou « Laser Imaging Detection And Ranging », à l’instar de radar ou sonar.
Le terme lidar couvre une très grande variété de systèmes de mesure à distance par laser. Mais ces systèmes sont parfois désignés autrement. Actuellement, on trouve encore l’acronyme « LADAR » (LAser Detection And Ranging), qui est plutôt utilisé dans le domaine militaire sur des cibles dures ou dans la littérature anglo-saxonne19. On trouve également l’acronyme « ALSM » (Airborne Laser Swath Mapping)20 pour les applications spécifiques de topographie aéroportée. En français, l’expression « radar laser » est improprement employée par analogie, surtout pour les jumelles de contrôle de vitesse en sécurité routière13.
Alors que le terme radar n’est souvent plus traité comme un acronyme (il n’est pas écrit en lettres majuscules et s’accorde au pluriel), la dénomination de son équivalent optique ne fait l’objet d’aucun consensus. Si bien que l’on peut trouver dans différentes publications de référence, parfois même dans le même document, « LIDAR », « lidar », « Lidar » ou « LiDaR ».
De manière générale, le fonctionnement du lidar ressemble à celui du radar (basé sur l’écholocalisation), la différence étant le domaine spectral des ondes électromagnétiques employées. Alors que le radar fonctionne dans le domaine des micro-ondes (fréquences de 1 à 100 GHz, longueurs d’onde millimétriques et centimétriques), le lidar est fondé sur des lasers rayonnant dans le domaine infrarouge, le domaine visible ou le domaine ultraviolet proche (fréquences au-delà de 10 THz, longueurs d’onde de 250 nm à 10 µm). Dans les deux cas, l’onde électromagnétique émise est cohérente et polarisée. Mais dans le domaine spectral visible, elle est beaucoup plus directive et elle peut interagir avec des objets de taille microscopique.
Un lidar est un système opto-électronique composé d’un émetteur laser, d’un récepteur comprenant un collecteur de lumière (télescope ou autre optique) et un photodétecteur qui transforme la lumière en signal électrique, ainsi que d’une chaîne électronique de traitement du signal qui extrait l’information recherchée.
Excepté à courte portée (moins d’un kilomètre), afin de capter un signal suffisamment fort, il est nécessaire d’utiliser :
- un laser de forte puissance moyenne (typiquement supérieure à 100 mW). Ceci doit être concilié avec les exigences de sécurité oculaire dans les applications proches du sol ; la sélection de longueurs d’onde hors du domaine de transparence de la cornée de l’œil ( 400 à 1 400 nm) ou le balayage du laser aident grandement dans ce sens.
- du côté de la réception, un photodétecteur de sensibilité élevée (photomultiplicateur, photodiode à avalanche), excepté en détection cohérente.
D’autre part, un filtrage de la lumière reçue est indispensable pour s’affranchir de la lumière de l’environnement, qui constitue un fort parasite. On filtre le plus souvent à la fois :
- spatialement, en limitant le champ de vision de l’optique de réception étroitement autour du faisceau laser, à l’aide d’un diaphragme de champ si nécessaire,
- spectralement, à l’aide d’un filtre ne laissant passer qu’une gamme étroite autour de la longueur d’onde du laser ou d’un interféromètre.
Par opposition à cette détection dite « directe », il existe des lidars à détection dite « cohérente » et/ou « hétérodyne », identique à celle du radar. Dans ce cas, on effectue à la réception un mélange entre l’onde lumineuse reçue et une partie de l’onde émise, qui a été décalée d’une fréquence connue, par exemple par un modulateur acousto-optique (onde dite « d’oscillateur local »). L’interférence de ces deux ondes génère un terme oscillant autour de cette fréquence dans le signal de sortie du photodétecteur, en plus des termes proportionnels à la puissance reçue et à la puissance d’oscillateur local. En filtrant électroniquement le signal dans une bande étroite autour de la fréquence en question, on obtient un signal dit « hétérodyne ».