Acculturation
Acculturation
En sociologie, l’acculturation, ou transport d’idées, désigne les phénomènes qui résultent du contact continu et direct entre groupes d’individus ayant des cultures différentes, ainsi que les changements dans les cultures originelles des deux groupes ou de l’un d’entre eux1. Les processus en jeu dans ces rencontres sont principalement : le décalage culturel, la résistance et l’intégration. Ce concept fait l’objet de recherches en anthropologie, en histoire, en sociologie, en sociolinguistique (diglossie) et en psychologie.
Sa définition classique, proposée par Redfield, Melville Herskovits et Linton, et adoptée lors du mémorandum du Social Science Research Council de 1936, est : l’ensemble des phénomènes qui résultent d’un contact continu et direct entre des groupes d’individus de cultures différentes et qui entraînent des changements dans les modèles culturels originaux de l’un ou des autres groupes2.
Les chercheurs en sciences humaines et sociales s’intéressent aux problématiques portant sur les contacts interculturels et plus particulièrement à leurs effets sur les groupes et les individus2, en privilégiant les difficultés d’adaptation et d’intégration des migrants.
Dans les années 1980, plusieurs chercheurs français (Mbodj, Vasquez ou encore Clanet) soulignent les limites de ce concept. Dans le champ de la psychologie en particulier, Clanet insiste sur la nécessité de repenser la question de la rencontre interculturelle, plus particulièrement celle du changement psychoculturel, en tenant compte de son caractère complexe, ambivalent et paradoxal. Il est ainsi à l’origine, avec d’autres chercheurs en psychologie interculturelle, d’un nouveau concept, celui d’« interculturation »2.
Épistémologie
Si Clanet va dans le sens de Vasquez, ses réserves à l’égard du concept d’acculturation portent aussi sur la nécessité pour la psychologie de réfléchir à ses propres concepts, à partir des cadres théoriques qui lui sont spécifiques, pour penser le changement psychoculturel.
L’acculturation, rappelle-t-il, relève du champ de l’anthropologie, culturelle plus particulièrement. Elle reste marquée par les orientations théoriques et épistémologiques du courant culturaliste américain. Son étude, comme le montrent Roger Bastide et Vasquez, s’est longtemps focalisé sur l’analyse de certains « traits » culturels pris isolément, oubliant qu’une culture est un tout, un système organisé et structuré où tous les éléments sont interdépendants, comme l’ont montré les anthropologues de l’école « culture et personnalité »2. De plus, l’insistance à vouloir présenter la continuité des cultures, en particulier occidentales, malgré les apports des minorités par réinterprétations, restructurations, facteurs de changements, renvoie à une conception essentialiste de la culture, chère aux culturalistes. Enfin, l’empreinte du behaviorisme est toujours présente, à travers une approche passive du sujet qui se trouve soumis à la puissance de son environnement culturel, qu’il soit celui dans lequel il s’est enculturé ou celui dans lequel il évolue après sa migration. Dans ce dernier cas, toutes ses conduites, malgré ses stratégies de résistance, d’adaptation, de compromis, aboutiraient à l’assimilation à laquelle ni lui, ni surtout sa descendance ne pourraient échapper (Hallowell, Pélicier)2.
Pour dépasser ces ambiguïtés liées au concept d’acculturation, Ana Vásquez-Bronfman souligne que les chercheurs latino-américains l’ont remplacé par celui de transculturation qu’elle définit comme « l’étude des processus qui résultant du conflit déclenché quand un groupe d’individus établit, pour un laps de temps relativement long, souvent de durée indéterminée, des rapports de pouvoir avec d’autres individus de cultures différentes ». Pour elle, plusieurs éléments plaident en faveur de l’adoption de ce nouveau concept, aidant ainsi la compréhension du changement culturel :
- la centration sur les processus en jeu sans préjuger du résultat de la transformation.
- la prise en compte nécessaire des conflits comme facteur dynamique de la transculturation, du fait des attentes et exigences contradictoires auxquelles les groupes minoritaires sont soumis et par rapport auxquels ils doivent se déterminer.
- l’appréhension de ce processus en analysant les rapports de pouvoir qu’entretiennent les groupes en présence.
Mais tout comme le processus d’acculturation, ce concept marque ses limites car il reste centré, notamment sur les groupes minoritaires sans envisager les transformations possibles des populations de la culture dominante qui sont confrontées, elles aussi, à la différence de l’autre. De ce fait, c’est en partie pour combler cette lacune que Clanet propose le concept d’interculturation2.