
Du creusement des cupules(Temps de lecture estimé : 17 minutes)
Grâce à notre site vous connaissez désormais mieux les cupules. Dans cet article, nous allons aborder la mécanique qui fut mise en œuvre pour leur creusement. Si leur provenance anthropique ne fait pas l’unanimité, il suffira à tout un chacun d’en creuser une pour se convaincre de la similitude entre celles étudiées par des sommités mondiales de l’archéologie – Michel Lorblanchet, Jean Abelanet ✝︎, Jacques Briard ✝︎ et Robert Bednarik dans le monde anglo-saxon – et le résultat que vous aurez obtenu… Armez-vous toutefois de patience, cela prend un certain temps, pour ne pas dire un temps certain.
Nous vous invitons à consulter notre page sur Facebook, et à suivre nos aventures et explorations : Paléo-Art (Quand les pierres nous parlent).
Ci-dessous, écoutez la version audio de l’article :

Caractéristiques
Ces dépressions artificielles hémisphérique que l’on trouve sur tous les continents (1), excepté l’antarctique, intriguent depuis que l’on cessa de les creuser au moyen-âge. Apposées sur les surfaces rocheuses de dureté 7 / 10 sur l’échelle de Mohs, comme le granite ou le grés, ces dômes inversés où tombent les interrogations de ceux qui se penchent sur leur sujet, n’en finissent pas de nous questionner. Une chose est certaine les cupules ne peuvent être ignorées. Citons le trait d’humour de l’archéologue Louis Mallet, sous forme de paronyme :
» les hommes cupulent depuis longtemps. «
Au delà de cette blague qui pourrait paraître salace, la relation qui les unie n’est peut-être pas si hors sujet qu’il y paraît. Les cupules négatives sont en creux et font immanquablement penser à l’élément féminin et plus particulièrement à son sexe. Elles font aussi penser aux trépanations, interprétation sur laquelle nous reviendront dans un article ultérieur. Mais aussi à la grotte et sont peut-être en relation avec les mythes d’émergence.
Une chose est certaine, leur creusement sur les différents théâtres d’opérations, fut universel et fit l’unanimité dans toute les cultures, sans lien direct de lieu, de temps et d’action. Si leur creusement semble en lien avec les croyances de ceux qui les élaborèrent, cette activité répond sûrement à un motif impératif, nécessaire, pour ne pas dire vital. Une telle activité qui s’étend sur des centaines de milliers d’années, traversant toutes les époques et les systèmes de pensées, technologiques et sacraux, aura relevé d’une tache impérative, pour ne pas dire vitale et donc atavique.
Elles sont l’artefact d’un paléo-comportement qui non échappe encore mais qui semble être inscrit dans nos gênes.
- Qui n’a pas construit un barrage dans un ruisseau.
- Qui n’a pas jeté un cailloux plat pour faire des ricochets.
- Qui n’a jamais ramassé des cailloux et des coquillages sur les plages.
- Qui n’a pas empilé des cailloux en cairns au bord des sentiers ou des rivières.
- Qi n’a pas planté en terre un bloc oblong.
- Qui n’a pas était saisi de peur révérencieuse devant l’entrée d’une grotte ou d’une mine.
- Qui n’aura pas été tenté d’y pénétrer.
- Qui enfin n’a pas été saisi par le mystère qui se dégage de Carnac, Gagrinis, Stonehenge, Avebury, New Grange, Ring of Brodgar, Mull Hill, Castlerigg…
Il y a certes un lien direct entre l’homme et la pierre, de part l’abri qu’il y trouva mais la finalité restera hors de portée, sans de nouvelles découvertes d’artefacts. Mais comme le fait remarquer Robert Bednarik, qui reste à ce jour l’expert dont le nom est attaché aux cupules, théoriser sur les destinations possibles de leur creusement en si grand nombre, semble futile quand on sait qu’en 1940 on observa leur creusement en dans le centre de l’Australie par les aborigènes qui pensaient faire ainsi accroitre lea production d’œufs de cacatoès, dont ils étaient friands…
Il ressort de tout ce qui précède, que si l’on ne peut savoir directement les motivations qui animaient les créateurs de cupules, il est souvent vain de s’attaquer au problème. Il est donc difficile de voir dans ces dernières, un artefact de notre taxonomie mais bien comme des traces de comportements spécifiques.
Leur ø allant de 1cm à 10cm et parfois au-delà, les destinations réelles ou supposées restent ténues, de part la difficulté que nous avons pour les distinguer d’autres éléments naturels : bassines aquatiques, nids-de poules et creux en dissolution et autres kamenitza. C’est pour cette raison que nous avons à Paléo-Art.org, introduit un indice de certitude allant de 1 à 3.
Les cupules se présentent au sein de groupements allant de 2 ou 4 cupules et pouvant compter plusieurs centaines de spécimens. Nous pouvons les retrouver en formation serrées ou lâches, intégrant un alignement ordonné et /ou raisonné ou dans un ensemble aléatoire non structuré.
Selon l’environnement, nous avons constaté au cours de nos prospections visuelles, qu’il est parfois possible d’extrapoler malgré les contextes différents et séparés tant dans le temps que dans l’espace.
Afin de faire le distinguo avec les cupules ethno-archéologiques décrites par les textes et les récits oraux, nous reprenons la nomenclature de l’anthropologue Ahmed Skouni en parlant de cupules archéologiques dont la pratique est révolues depuis des siècles dont le sens nous échappent.

Diffusion
Les cupules les plus anciennes qui furent identifiées remonte au Paléolithique inférieur. Des spécimens relevés dans le Sud du désert du Kalahari au Botswana et Namibie, remonteraient à 410000 ans (1). De plus vieilles au centre de l’Inde (2), ramènerait leur émergence en deçà de cette date.
Produites par de nombreuses cultures depuis le Paléolithique inférieur, le fait qu’elles soient absentes en antarctique ou le granit est présent, ainsi que les glaciers qui selon les géologues les ont générés, montrent bien que leur production est pour une grande partie produite par l’homme, tout du moins en zones habitées et / ou fréquentées par les communautés paléolithiques, néolithiques et protohistoriques en Europe (3) (4) et en Asie.
De même, dans le Lez, de Castillon à Audressein, il n’y a pas de bloc en granit cupulé, ce qui tend à montrer que leur présence est concentrée en certaines zones, alors que d’autres en sont totalement dépourvues. Le granit présent dans le Haut-Lez jusqu’à Saint Girons provient du mont Valier, ce qui accrédite davantage la provenance anthropique de leur creusement.
Dans les contextes paléolithique moyen, les cupules ont éclos simultanément en Afrique et en Australie (5) (6). Parties du continent africain, leur creusement suivit semble t-il homo-sapiens, jusqu’à ce qu’il entre sur le continent eurasien où il répandit cette pratique.
Au paléolithique supérieur, leur diffusion semble marquer le pas mais n’en demeure pas moins omniprésente.
A l’épipaléolithique du Levant et au néolithique proche-oriental, nous les retrouveront sur le complexe de Gokekli Tepe – Turquie actuelle -, sous les mains des Natoufiens, (- 2000 av J.C-.), avant que la néolithisation ne se répande en Europe par la vallée du Danube et les côtes du Sud du continent (7).
Au Paléolithique supérieur, les cupules pourraient être comparées aux points d’ocre rouge positifs que l’on trouve en certains endroits dans les grottes habitées par l’homme et que l’ont classe dans l’art pariétal. Lire à ce sujet les livres de Michel Lorblanchet et (8).
Enfin, au néolithique I et II perdurent pour marquer davantage les blocs à l’âge du bronze (9). Selon l’archéologue Jacques Briard, spécialiste de l’âge du Bronze qui consacra un chapitre aux cupules dans son livre : « Mégalithes de la forêt de Brocéliande ».
« La géologie du massif forestier – de Brocéliande – est particulièrement propice à la présence de cupules. La nature géologique du support permet en effet de privilégier le caractère anthropique des dépressions visibles sur les dalles de schistes ».
Par la suite, l’élaboration de cupules semble diminuer en nombre à l’âge du fer.
Dans la zone que nous étudions, soit 23km 2 à cheval entre le Couserans et le Val d’Aran, les cupules et leurs corolaires les pétroglyphes, sont liés à une société sylve-agro-pastorale, ayant vécu en ces lieux du néolithique ancien à l’âge du fer, soit sur trois millénaires.


Production
Les cupules, cup-marks en anglais, écuelles, trous des Elfes ou des fées etc,
L’énumération de leurs fonctions est régulièrement mise à jour sous forme d’interprétations fondées sur des hypothèses de travail par les archéologues et les chercheurs indépendants comme Paleo-Art.org.
Deux principales techniques permettent l’élaboration de cupules :
- par percussion directe de haut en bas, à l’aide d’un percuteur en quartz ou en quartzite.
- par rotation en aller-retour avec un bloc abrasif ; le grés rose de Bordes étant particulièrement approprié pour remplir cette fonction. En Bretagne se sont les le silex et le quartz qui auront été employés pour un résultat identique.
Cette dernière technique pouvant se combiner à la première, dès que le trou est amorcé ou en fin d’opération, afin de poncer ce qui avait été grossièrement entamé.
Comme nous avons pu le constater dans le secteur des Arz, les blocs de schistes pourprés associés au « poundingue » montrent que l’on fit sauter une ou plusieurs de leurs unités ovalaires, pour donner l’illusion d’une cupule ; l’intentionnalité étant renforcée par la présence de cupules anthropiques sur blocs de granit, aux alentours, Cf : photo principale de cet article.
Jacques Briard ✝︎, archéologue aujourd’hui décédé, remarquera le même phénomène en Bretagne et consacra un chapitre dans son livre :
» Difficile à dater avec précision, souvent à peine évoqué, le problème des cupules préhistoriques mérite qu’on s’y attarde un peu d’autant que plusieurs découvertes récentes ont montré son importance en forêt de Brocéliande et dans les régions voisines. Les schistes se prêtent bien à la confection de petites cupules circulaires le plus souvent effectuées par rotation d’une roche dure, silex ou quartz, ou d’un instrument métallique aux périodes les plus récentes. Parfois, dans les schistes pourprés associés aux poudingues, il peut y avoir doute ou ambiguïté sur certaines cavités qui peuvent aussi bien être des creux naturels dus à la perte d’un petit galet du poudingue que par creusement de main d’homme. » Briard, Jacques (1989) op. cit., p. 119
Dès 2004, il signala la présence de cupules sur d’autres mégalithes bretons.
Laissons la parole à Yvan Pailler et Nicolas Clément :
» Les premières dalles à cupules apparaissent donc dans des contextes bien datés du Néolithique moyen 1. Elles se multiplient au Néolithique moyen 2 dans les tombes à couloir, mais certaines sont clairement en position de réemploi. Contrairement à ce qu’écrit C. Burgess (1990), les cupules ne sont pas rares dans les monuments du Néolithique récent en Bretagne. Les débuts de l’âge du Bronze en Armorique ne voient pas se développer le nombre des dalles à cupules. » – Pailler, Yvan et Nicolas, Clément (2016) op. cit.
La résistance d’une roche à un impact cinétique sera déterminé par sa dureté et sa résistance à « encaisser » les coups. La dureté résulte de la combinaison de plusieurs facteurs :
- Résistance de la roche à une force de compression / écrasement qui lui est appliquée et donc sa dureté à l’indentation mesurée sur l’échelle de Brinell exprimée en BHN, ou par le test de Vickers, exprimée en kg / mm2,
- sa ductilité,
- son facteur de fragilité, dépendant du classement de ladite roche sur l’échelle de Mohs 1 à 10.
Ce dernier facteur est un rapport entre la résistance à la compression uni axiale et la traction uni axiale. On en déduira un indice de dureté composite ϴ détermine le coefficient de production « p » = V2.
Le volume approximatif de la cupule V sera déterminé par la formule (11)
V = π x d x (R2 + r2 + R x r)3
r = rayon moyen au bord et d = profondeur de la cupule. Le rayon moyen est proche de l’amitié de la somme de deux rayons mesurés à angle droit, l’un par rapport à l’autre. L’énergie cinétique Ek appliquée dans la production de cupules, étant la capacité d’une masse en mouvement à avoir un effet physique.
Ek = Mv2
M = quantité de masse en mouvement.
V = vitesse en ligne droite.
Elle s’élève à des dizaines de kilos-Newtons, dans le cas du quartzite non altéré.
L’application cumulative de force focalisée conduit parfois à une métamorphose d’énergie cinétique dans les roches siliceuses sédimentaires ; phénomène identifié dans les cupules mais depuis reconnu dans de nombreux contextes géologiques (12).

Des essais furent effectuées – non par nous – pour avoir une idée d cela difficulté et du temps nécessaire pour creuser un de ces étranges cupules. Il va sans dire que l’énergie mobilisée pour creuser ces trous est proprement phénoménale, quant on sait que les tendinites ne sont jamais bien loin… Quand nous sommes sur des sites comme à Daraki-Chattan en Inde où 500 cupules furent burinées, on peut estimer qu’elles le furent par une équipe de sculpteurs, à moins que ces dalles multi cupules sont le témoignages de peines infligées pour manquement à une règle de la communauté, une peine administré pour un vol, un crime ou autres délits contrevenants.
La plus grande cupule, d’une profondeur de 6,7cm requis 21730 frappes
Une cupule d’une profondeur de 4,4 cm nécessité 8490 coups en 72 mn.
Celle de 2,5cm l’effet en 6916 coup
Pour une profondeur de 1,9 cm, occasion 8400 coups en 66mn.
La dernière de 0,5cm utilisa 1817 frappes.
Cupules d’Amérique du Nord
Voici un exemple qui montre que le creusement de cupules s’est transmis au cours des millénaires dans certaines régions du monde comme la vallée de Tamanart au Maroc ou dans la Sierra Nevada aux USA. Le parc historique d’État de « Chaw’se Indian Grinding Rock » (13), dans la Sierra Nevada (Californie). Son nom vient d’un grand affleurement calcaire marbré avec quelque 1 185 trous servant de mortiers.
Chaw’se est le mot Miwok pour broyer la roche. Les membres de la tribu Yokuts y broyèrent des glands de chêne, qui au fil du temps creusèrent ces dépressions en forme de coupe. Ces cupules sont dites ethno-archéologiques car nous possédons des récits écrits et oraux de leur élaboration par les ethnologues qui étudièrent ces peuples.
Des gravures (pétroglyphes), composées de cercles, roues à rayons, traces d’animaux et d’humains et autres lignes serpentiformes. La datation proposée oscille entre deux à trois mille ans.

Cupules de la vallée de Tamanart au Maroc
Une autre destination fut démontré par l’anthropologue Ahmed Skounti, professor at « The National Institute of Archaeology and Heritage Sciences (INSAP, Rabat, Maroc), est celle du martelage rituel destiné à attirer ou éloigner le mal et celles, plus grandes, consacrées à d’autres pratiques rituelles, susceptibles d’être héritées de d’anciennes croyances (14). Ces cupules sont dites ethnoarchéologiques car observées par des ethnologues et anthropologues.

Vidéo : La pierre à mille trous – La Suisse mystérieuse, de la chaîne Youtube Passe-moi les jumelles : https://youtu.be/RrVFo_KtppM
Bibliographie
(1) Q. Lewis, R. Camacho. R. Bednarik. Le complexe de Kalatrancani au centre de la Bolivie. recherche sur l’art rupestre. 32(2) : pages 219.230. 2015
(2) R. Bednarik, RG. Kumar, G. Watchman, A. Roberts. Résultats préliminaires du projet EIP. Recherche sur l’art rupestre. 22(2) : pages 147-197.
(3) Peyrony. La Ferrasie. Moustérien, Perigourdien, Aurignacien. Préhistoire 3 : pages 1-92. 1934.
(4) Capitant, L. Boussonie. Limeuil. Son gisement à gravures sur pierres de l' »âge du renne. Bibliothèque Nourry. Paris. 1924
(5) Beaumont, R. Bednarik. Cupules. Recherche sur l’art rupestre 32 -2-. pages 163-177. RG 2015
(6) Mountford. Nomades du désert. Rigby Adelaïde. page 213.
(7) Michel Rasse. http://mappemonde-archive.mgm.fr/num43/articles/art14302.html
(8) Beaune. Outils en pierre sans silex du Paléolithique supérieur ancien. 1992. H. Knecht, A. Pike-way, R. White. Before Lascaux : The complex record of the earlu uppercut Palelolithic. pages 163 – 191. CRC Press, Boca Raton, Florida.
(9) Jacques Briard. Mégalithes de Haute Bretagne – Les monuments de la forêt de Brocéliande et du Plöermelais, structure, mobilier, environnement. Vol 23. page 119 Maison des Sciences de l’homme. Paris. 1989
BRIARD, Jacques, LANGOUËT, Loïc et ONNÉE, Yvan, Les mégalithes du département d’Ille-et-Vilaine, Rennes, Institut Culturel de Bretagne – Skol-uhel ar vro – Laboratoire d’anthropologie – Préhistoire (U.P.R. 403 C.N.R.S.) Université de Rennes I, 2004. [page 115
(10) Beaune. Pour une archéologie des geste. CNRS Edition. Paris. 2000.
(11) Kumar, G. Krishna, « Comprendre la technologie des cupules ». 2014
Daraki-Chattan. Projet de réplication de la cupule ». Recherche sur l’art rupestre 31(2) : page 177 – 186.
(12) Robert Bednarik. « La tribologie des cupules ». Magazine géologique. 58(6) : 899 – 911.
(13) https://www.tachi-yokut-nsn.gov/about
(14) Cupules et rituels : art rupestre et ethnoarchéologie dans la vallée de Tamanart (Maroc) : https://www.academia.edu/41491077/Cupules_et_rituels_art_rupestre_et_ethnoarchéologie_dans_la_vallée_de_Tamanart_Maroc?email_work_card=title
Je vous remercie d’avoir pris le temps de lire cet article, j’espère que vous avez passé un agréable moment, je vous invite à nous faire part de vos remarques, commentaires et de vos expériences ou expertises à ce sujet.
- Auteurs : Claude Moune, Jérôme Ramond, Vivien Laille.
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