
Le complexe du sarrat de Guillaire(Temps de lecture estimé : 13 minutes)
Alerté par des paroissiens paysans, l’abbé David Cau-Durban explora la zone d’Ayer en vallée du Riberot, ce qui révéla nombre de « caches » comme on les appelaient au XIXe siècle.
Beaucoup de failles recélant des poteries et une qualité certaine d’artefacts, de part et d’autre de la route communale Castillon-Sentein, ainsi qu’une grotte sépulcrale « Tachou » complètent l’ensemble de cette nécropole à plusieurs étages.
Site particulièrement riche, l’abbé archéologue fit connaître le hameau d’Ayer » au monde scientifique de cette fin de XIXe siècle.
Nous continuons le chemin tracé par monsieur l’abbé, afin que son travail remarquable ne se perde dans quelques tiroirs, pour ne pas dire quelques oubliettes…
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Ci-dessous, écoutez la version audio de l’article :
Le gardien du temple

La pyramide

Deux sépultures sous roche en granite marquent les extrémités de la crête ; nos repérages nous permettent d’avancer qu’il y en a d’autres. Ce site de premier ordre s’étend sur l’interfluve d’Ayer et les pentes Est – Ouest qui le bordent. Il est clos par un maillage de murs en pierres, dont plusieurs ne sont à l’évidence pas l’œuvre des paysans du XIXe, XVIII.
Dans le chaos de pierres qui s’étale sur les pentes Ouest, une cohérence se fait jour ; ordonnées, orientée en certains endroits où la plus grande concentration est requise, si l’on ne veut pas se rompre les os.
L’abbé David Cau-Durban aurait très bien pu s’appeler Guillaire – le renard en gascon -, tant il fureta les vallées du Castillonnais, mettant au jour nombre de sites archéologiques. Il ne manqua jamais de mettre au jour les vestiges du néolithique et des âges du bronze et du fer. Maître Renard par l ‘odeur alléché » accompagné de terrassiers locaux, furetèrent avant d’exhumer nombre d’artefacts et de d’ossements.
À défaut de faire des petits, le bon abbé « fit des émules. Jérôme, Vivien et moi même. Voici le reportage photo de nos allées et venues sur l’arrête :

La pyramide du Sarrat de Guillaire, où l’abbé Cau-Durban découvrit une sépulture sous-roche
La masse volumique du granit étant de 2600 kg /m3, cela donne pour le bloc ci-dessus :
Hauteur ≈ de 3,60m ; base de 5m / 3 = 30 m3 X 2,6 T=78 T (tonnes).

L’entrée qui de nos jours paraît la plus évidente mène à la sépulture en forme de coupole : les immortels y siègent ; tout du moins ceux retrouvés par Cau-Durban en position assise furent retiré par ses soins.
Nous sommes en février 1882… laissons la parole à l’abbé archéologue
« Sur la crête du Sarrat de Guillaire, qui est une sorte de promontoire rocheux qui séparez la vallée du Riberot du hameau de Cet, je distinguai un énorme bloc qui domine les deux versants de la colline de sa lourde silhouette. Dans sa partie inférieure, s’ouvre une excavation profonde, qui ne me parut pas avoir dût être dédaignée par l’homme, en ces temps où il demandait aux accidents naturels un abri pour lui et pour ses chers défunts.
Après nous être péniblement glissés, avec mes ouvriers habituels sous le rocher par une ouverte étroite et basse située vers le sud-ouest, nous écartâmes le gravier qui recouvrait le sol. Nous étions sous un bloc colossal de forme pyramidale, ayant 14m de pourtour sur 3,50m d’élévation. Toutes les issues étaient fermées intentionnellement par les pierres placées autour de la pyramide sépulcrale, qui affecte à l’intérieur une forme concave et repose sur plusieurs autres rochers qui la soulève : sépulcre étonnant que la nature seule a pu édifier dans ces jours de révolution primitive qui ont précédé l’ordre géologique actuel. L’homme l’a rencontré et l’a habilement utilisé.
La première couche pierreuse enlevée, nous trouvons la terre friable, noire, mêlée de noyaux de cerises et de noisettes que les frugivores des bois voisins y avaient déposés. Bientôt apparaissent les ossements humains, métatarsiens, cotes, fragments de tibias, d’humérus brisés, etc. Tout près de ces restes humains, un plat de forme ronde, orné de chevrons rayés intérieurement et s’appuyant sur des cordons circulaires. Jen recueillis avec soin les débris et je l’ai reconstitué aux trois quarts. »

« Cette coupe est pétrie d’une argile relativement fine car, bientôt après, la pioche amena des tessons d’une poterie grossière composée de terre rougeâtre encaissant de nombreux grains de quartz : nous remarquons aussi deux ou trois bords supérieurs d’urne, ainsi qu’une oreille. Toutes ces poteries, aussi bien que celles dont nous aurons à vous parler dans la suite, sont faites à la main sans l’aide du tour.
Continuant nos fouilles avec l’espoir que fait naître un premier succès, je dégage un maxillaire inférieur en très bon état de conservation et muni de presque toutes ses dents. Trois autres maxillaires paraissent ensuite. Ceux-ci semblent plus anciens L’un en partie détruit, n’a conservé qu’une molaire et deux canines : l’autre montre ses alvéoles complètement vides. Puis arrivent des ossements complets et mieux conservés à mesure que nous descendons dans les couches inférieures.
Après un déblai de 0m 50, nous mettons à jour de nombreux débris d’ossements calcinés. Dans un coin de la sépulture, une urne à deux oreilles assez renflées à la panse en tous points semblables à l’urne des dolmens. Au milieu des ossements calcinés, gît un silex ailé de 2 pouces de long, ayant une extrémité cunéiforme et l’autre courbe et évasée.
Laissez moi vous faire remarquer messieurs, avant d’aller plus loin, que dans le caveau funéraire que je venais de fouiller, nous devons constater deux modes : (le sépulcre, l’inhumation et l’incinération). Dans les gisements inférieurs, nous avons observé qu’un maxillaire et les débris du crâne s’étaient affaissées en ligne perpendiculaire sur les fémurs et les tibias.
Ce genre d’inhumation a été remarqué dans la sépulture de Bruniquel où les membres étaient repliés sur eux-mêmes et annonçaient une attitude accroupie du défunt. Il était d’ailleurs, au témoignage des historiens, fréquent dans l’antiquité.

Sur le sol primitif étaient de nombreux débris d’ossements noirs comme du jayet et portant l’empreinte indéniable de l’action du feu. L’analogie de ces sépultures avec les dolmens m’avaient frappé dès le premier jour et, dans une note communiquée à la réunion des Sociétés savantes en Sorbonne (avril 1882), j’avais signalé cette ressemblance et conclu à leur contemporanéité.

La première sépulture sous-roche que l’abbé Cau-Durban découvrira par renseignement d’un « bon paysan » comme l’on disait à l’époque, sera Peyro Plato, toujours sur la crête du Sarrat de Guillaire. Il ne s’étendra guère sur sa description et les fouilles qu’il y effectua avec son équipe habituelle. Nous vous la montrons en pierre et en os…
Peyro Plato


C’est la première tombe que Cau-Durban découvrit, selon les indications d’un paysan de la vallée, comme cela fut le cas pour chaque découverte. Nous ne connaissons pas qu’elle est l’entrée principale, s’il y en eut et ce qu’il y trouva. Les écrits manquent à ce sujet ou ne nous sont pas parvenus.
Une chose semble certaine ; de part leurs activités pastorales et de chasse, les paysans connaissaient parfaitement les lieux et n’eurent aucun mal à guider Cau-Durban. Leurs motifs étaient t-ils dictés par quelques affections dévotes à l’égard de « monsieur le curé » ou l’attrait de découvrir quelque or et bijoux qui s’y fussent trouvé ? En effet, comment auraient-ils pu dire au bon abbé qu’il fallait qu’il se déplace pour voir, si ce n’est le fait qu’ils aient eu un peu creusé la question auparavant…
Au cours de nos prospections pédestres – non invasives -, nous avons constaté que nombre de possibles sépultures non loin de là, étaient béantes et avaient été sans doute visitées… Si le mot « cache » fut très en vogue au XIXe siècle dans le langage des archéologues d’alors, c’est aussi l’idée qu’ils se faisaient des cachettes que les propriétaires à l’époque bronze et du fer auraient dérobés à la vue cupides de leurs contemporains. Pour conclure sur un bon mot, ajoutons que les cachettes dans les murs des maisons et leurs jardins attenants, furent « monnaie courante » jusqu’au XIXe siècle, sacrifiant ainsi à l’adage : « Il ne faut mettre tous les œufs dans le même panier » ; entendez les banques.
Les enceintes

Tout au long des 375 m qui constituent la crête, les murs cyclopéens n’eurent pas pour vocation à garder le bétail sur le droit chemin. Ils sont autant de trait d’union entre les sépultures.

Ce qui reste de tout ce temps…



Je vous remercie d’avoir pris le temps de lire cet article, j’espère que vous avez passé un agréable moment, je vous invite à nous faire part de vos remarques, commentaires et de vos expériences ou expertises à ce sujet.
- Auteurs : Claude Moune, Jérôme Ramond, Vivien Laille.
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