Par Vivien Laïlle / Goldsnoop.com
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Modélisation 3D par photogrammétrie : le « monstre zoomorphe polymorphe souriant »(Temps de lecture estimé : 17 minutes)
Bonjour à tous,
J’espère que vous allez bien, je souhaite vous remercier pour tous vos nombreux messages et commentaires, ainsi que pour nos échanges au cours de ces dernières semaines qui ont été très fructueux et très intéressants sur notre groupe Facebook Paléo-Art (Quand les pierres nous parlent).
Le partage de nos découvertes est un aspect essentiel, car il serait dommage et contre-productif de garder cela pour nous exclusivement.
Aujourd’hui, dans ce nouveau post, je vais vous présenter un cas très particulier de bloc avec des cupules qui représente un monstre zoomorphe polymorphe qui sourit.
Comme très souvent lors d’exploration, les découvertes les plus intéressantes se font très souvent au dernier moment, à la dernière minute ; ainsi, c’est à la fin d’une belle journée d’exploration, au soleil couchant que nous avons réalisé avec enthousiasme cette magnifique trouvaille.
Claude MOUNE et moi étions très enthousiastes lorsque nous avons fait cette découverte et nous avons juste eu le temps de réaliser les prises de vues photographiques et les relevés de géolocalisation qui se sont imposés pour faire la photogrammétrie, avant le coucher du soleil.
Je vais vous décrire avec détails cette œuvre d’art rupestre datant du néolithique et aussi je vais vous la présenter grâce à une modélisation en trois dimensions par le technique de la photogrammétrie, qui est la meilleure méthode pour étudier ce bloc et ses différentes représentations associées.
Cela sera une bonne occasion pour étudier un cas très concret de représentation zoomorphe et polymorphe, qui est plus complexe qu’il n’y parait, et je vais vous expliquer pourquoi.

Description du bloc à cupules étudié
Pour commencer, je vais d’abord vous décrire ce bloc à cupules, qui lorsqu’il s’est révélé, a profondément éveillé en nous un sentiment de joie ; il faut tout de même admettre qu’il valait la peine de chercher avec opiniâtreté et de persévérer dans nos explorations.
Sur l’ensemble des blocs à cupules que nous découvrons en général, certains sortent du lot, par leur représentation.
Le bloc de granite qui nous intéresse ici mesure environ 1 m de large, et 1,5 m de long, il est globalement plat, et incliné en pente douce.
Il présente une faille naturelle, dans la partie basse, en forme de courbe, dont les 2 bords sont boursoufflés.

Les cupules ont été placées judicieusement et intentionnellement en fonction des caractéristiques physiques de la faille aux bords boursouflés, pour créer une bouche fermée avec des lèvres bien représentées.
Il n’est donc pas inopportun de considérer cette création comme une forme d’œuvre artistique dans un contexte néolithique.
La faille a servi de base à une réflexion qui a conditionné le placement des cupules, aboutissant à la représentation d’un monstre zoomorphe, ressemblant à un poisson, une grenouille, ou à un animal légendaire ou mythique.
En y réfléchissant bien, en regardant le zoomorphe de face, les lèvres et le placement des yeux, permettent d’obtenir un rendu réaliste, en jouant avec l’effet de perspective.

3D – Modélisation en 3 dimensions : Monstre Zoomorphe Polymorphe Souriant
NOTICE : Cliquez sur le cube animé, pour lancer la modélisation 3D ci-dessous, patientez un peu le temps du chargement.
- Ceci fait : mettez le curseur de votre souris ou de votre Trackpad sur l’image 3D et faites-la tourner à votre guise sur 360°,
- Avec le clic droit de la souris, vous pouvez déplacer l’objet et changer d’axe principal,
- Vous pouvez aussi zoomer dans sur le modèle avec la molette de votre souris, ou bien avec les 2 doigts,
- Les contrôleurs sont situés à gauche, vous avez la possibilité de voir le modèle en plein écran.
- Lien direct vers la modélisation 3D par photogrammétrie ici : https://p3d.in/rnu0P
- D’autres modélisation 3D de cupules, dolmens, habitats ou sépultures ici : https://p3d.in/u/goldsnoop/eFtCY
- Découvrez toutes les modélisations en 3D ici : https://p3d.in/u/goldsnoop
Ci-dessous : une autre modélisation 3D de ce bloc à cupules, avec un autre rendu.
- Lien direct vers la modélisation 3D par photogrammétrie ici : https://p3d.in/xFIu0
- D’autres modélisation 3D de cupules, dolmens, habitats ou sépultures ici : https://p3d.in/u/goldsnoop/eFtCY
- Découvrez toutes les modélisations en 3D ici : https://p3d.in/u/goldsnoop
Photographies du bloc à cupules : Monstre Zoomorphe Polymorphe Souriant
Je vous présente ci-après une partie des photographies numériques qui ont été utilisées pour réaliser le rendu en 3D par photogrammétrie.








Si vous prenez le temps de bien observer, différentes représentations de têtes ou de visages apparaissent, en fonction du point de vue choisi par l’observateur.
Interprétations possibles de ce bloc à cupules
Une représentation zoomorphe ?
Le zoomorphisme est la tendance à attribuer à quelque chose des caractéristiques animales (que ce soit sur le plan du comportement, de la morphologie, des motivations, de la représentation).
Le zoomorphisme est courant en matière de religion, de mythologie (Horus, Thot et la majorité du panthéon égyptien sont zoomorphes) ou encore dans les arts martiaux notamment chinois.
Le zoomorphisme est une forme d’anthropomorphisme, car présenter par exemple un homme cruel comme un loup (exemple célèbre : lycanthropie – loup garrou -), c’est attribuer une attitude humaine à un animal.
On peut y voir, par exemple, la représentation un animal aquatique, comme la tête d’un poisson, ou d’une grenouille.
Oui, cela fait appel à votre imagination, sans aucun doute, voyez par vous-même…


Un monstre zoomorphe avec 2 yeux, et une bouche fermée souriante. Notez que les lèvres boursouflées sont naturelles, et parfaitement mises à profit dans cette œuvre d’art du néolithique. C’est presque de l’art naturaliste ou semi-naturaliste parce que l’auteur s’est appliqué à reproduire la réalité, les lignes générales sont bien rendues, bien que certains détails ont été omis.


Un zoomorphe avec 2 yeux, et une bouche avec des lèvres souriantes… Suis-je un animal aquatique (poisson, grenouille, …) ? Je vous regarde et je souris ? Un esprit bienveillant ? Un petit monstre mythologique sympathique et espiègle ? Un sourire reste un sourire, Quelle que soit la culture, la religion ou l’époque. Un équivalent de nos archétypes smileys contemporains à l’ère de l’internet ?
Notez l’expression du sourire, qui traduit une attitude, le rendu d’une expression et d’un mouvement capté à un moment précis, ici figés directement dans la roche.
Une représentation polymorphe ? Simultanément zoomorphe et anthropomorphe…
Le polymorphisme, du grec πολύμορφος / polúmorphos (« multiforme »), caractérise la capacité à se présenter sous différentes formes.
Pourquoi polymorphe ? Parce que si on observe avec attention ce bloc cupulé, différents êtres apparaissent, en fonction des angles d’observations et des positions des différentes cupules.
Si nous regardons de face à la base, nous contemplons un zoomorphe, comme je l’ai expliqué plus haut, cependant, si on se décale vers la droite avec une vision plus élargie, il est alors possible de découvrir une autre représentation : une autre tête, aux caractères anthropomorphe et humaine.
Je vous laisse regarder ci-dessous, et le constater par vous-même…


Sous un autre point de vue avec une vision plus large, d’autres cupules apparaissent et permettent de voir un anthropomorphe.
Comme vous pouvez le constater, ce bloc à cupules représente aussi un anthropomorphe, un visage humain schématisé.
Pourquoi ? Parce que nous voyons bien une tête avec deux yeux, le nez avec les deux trous des narines, et une bouche fermée avec des lèvres (la faille boursoufflée).

Il est probable que les positionnements des différentes cupules aient été réalisées à des époques différentes, par addition. Ou bien au même moment ? Il est très difficile de le prouver techniquement pour en avoir la certitude.
Peut-être que différentes générations d’artistes du néolithique complétaient des œuvres rupestres anciennes et déjà existantes, au fil du temps, en fonction des évolutions de leurs rites et croyances ?
Une représentation d’une divinité ?
Nul ne sait à ce jour, si ce zoomorphe et/ou anthropomorphe est une représentation d’une divinité, il faut rester très prudent ; cependant la question est légitime.
Si on considère qu’il s’agit d’une religion ou d’une croyance basée sur l’iconodulie (vénérant une effigie) en opposition avec une religion iconoclaste, peut-être que cette icône représente un dieu, un esprit, un démon, un être protecteur, une sentinelle ou une entité imaginaire divinisée et sacrée.
Cet art primitif ou art rupestre pourrait alors être considéré comme de l’art sacré, matérialisation et témoignage d’anciennes croyances et pratiques rituelles des peuples indigènes habitants les lieux de nos explorations, à l’époque du néolithique.
Rappelons quelques termes utiles pour comprendre certains concepts religieux ou sacrés importants :
- L’iconodulie (du grec εικών / eikôn, image et δουλεία / douleia, service), est un courant de pensée qui est en faveur des images religieuses ou icônes et de leur vénération, en opposition à l’iconoclasme.
- L’iconoclasme (des mots grecs εἰκών eikôn « image, icône » et κλάω klaô « briser ») ou iconoclastie est, au sens strict, la destruction délibérée d’images, c’est-à-dire de représentations religieuses de type figuratif (appartenant souvent à sa propre culture) et généralement pour des motifs religieux ou politiques. Une religion iconoclaste ne vénère aucune effigie ni représentations divines.
- L’orthopraxie est l’accomplissement, d’un rite (un rituel), d’une action, l’exécution d’un geste, la conduite d’une affaire, une praxis (au sens du grec ancien πρᾶξις) menée avec justesse ou rectitude, selon le droit et la justice (au sens du grec ancien ὀρϑός). Dans le domaine moral ou religieux, l’orthopraxie se réfère à une conduite conforme aux rites prescrits.
Conclusion partielle et personnelle
Ainsi, il existe dans la vallée du Riberot en Ariège, des vestiges et des témoignages d’activités d’anciens peuples autochtones du néolithique, qui se matérialisent physiquement par la présence de gros blocs de roches granitiques et erratiques apportés par les différentes ères glaciaires survenues à ces époques.
Certains de ces blocs particuliers, qui font l’objet de nos recherches, explorations et inventaires, sont dotés et composés de gravures sur roche ou de cupules, dont leurs dispositions laissent apparaître des représentations zoomorphes, anthropomorphes et parfois polymorphes.
Ces manifestations d’œuvres d’art rupestres symbolisent ou schématisent des représentations visuelles d’animaux, de visages humains, et peuvent s’inscrire dans des rôles religieux, culturels, rituels, sacrés ou comme effigies de divinités très anciennes, jadis vénérées par les peuples indigènes du néolithique, vivant sur les lieux de nos découvertes.
Je souhaite aussi rajouter que cette œuvre d’art est le fruit d’une maturité intellectuelle, d’une abstraction et d’une anticipation de la part du ou des artistes de l’époque, dont la composition et le positionnement des cupules aboutissent à un certain résultat à un certain rendu visuel représentatif.
En mettant à profit certains caractères physiques de la faille présente naturellement sur le bloc de granite, les artistes ont composé délibérément et intentionnellement les emplacements des différentes cupules, pour en faire une représentation universelle, un archétype.
Nous souhaitons bien sûr rester très prudent, car il est toujours très difficile, avec un tel décalage dans l’espace et dans le temps, de comprendre les vraies significations et interprétations, avec nos cultures et nos vécus d’individus de l’ère contemporaine.
Ironie de l’histoire, le matérialisme athée a dématérialisé le sacré qui était la colonne vertébrale de sociétés multimillénaires, jusqu’au milieu du 19ᵉ siècle, avènement de la philosophie marxisme et du positivisme.
Je vous remercie d’avoir pris le temps de lire cet article, j’espère que vous avez passé un agréable moment, je vous invite à nous faire part de vos remarques, commentaires et de vos expériences ou expertises à ce sujet.
- Auteurs : Claude Moune, Jérôme Ramond & Vivien Laïlle.
- Nos recherches sont basées uniquement sur la prospection visuelle. Nous ne faisons pas de prospections invasives, la législation nous l’interdisant.
- Pour toutes demandes, questions ou remarques : paleo.art.cupules@gmail.com
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