
Les cupules : caprices de la géologie ou de l’homme ?(Temps de lecture estimé : 16 minutes)
Si Shakespeare eut été archéologue, il se serait à n’en pas douter posé la question : « Être ou ne pas être ; telle est la question… »
Depuis le moyen-âge et peut être même à partir de l’antiquité, des générations de paysans agropastoraux ou de randonneurs et pèlerins, passèrent et repassèrent devant en les regardant sans les voir véritablement.
Gageons toutefois que quelques curieux sondèrent leurs antres minuscules pour formuler une explication.
Une chose est certaine : leur insignifiance leur tient encore lieu de protection contre des déprédations inhérentes à quelques bipèdes iconoclastes…
Ci-dessous, écoutez la version audio de l’article :
Ci-dessous : un pêle-mêle de cupules réalisées par la main de l’homme.










Quelques photographies d’exemples concrets de mystérieux blocs à cupules, faisant l’objet de nos études, découverts dans différents milieux et contextes ; aquatiques et inland : Lez, Riberot, l’Orle, en Ariège, dans les Pyrénées, en France.
Les cupules naturelles
Les cupules naturelles ne sont pas celles creusées par une main humaine.
Certes nous énonçons là une lapalissade mais c’est pour mieux prendre la mesure du temps et les dizaines de millénaires qui les sépare.
Il est extrêmement rare de rencontrer des cupules anthropisées dans le calcaire qui se prête davantage aux caprices du temps et de l’eau.
Les cupules de grands diamètres peuvent acquérir une certaine rotondité, à défaut d’une rotondité certaine, ce qui ne sera jamais le cas de celles de dimensions plus modestes.
À part le calcaire métamorphisé qui peut se révéler extrêmement dur, cette roche sédimentaire n’est pas programmée pour durer.
C’est une des raisons pour laquelle les sculpteurs de cupules néolithiques et protohistoriques les délaissèrent au profit du granite, conçu pour traverser le temps.
La paroi des cupules naturelles que l’on trouve dans le calcaire n’est pas parfaitement patinées, pour ne pas dire polies par l’action érosive de l’eau.
Au contraire, des fragments formants écailles se détacheront progressivement.
L’action du cycle : gel / dégel / regel, accentue le phénomène, hiver après hiver.
Le temps étant un grand maître, au fil des années et de l’eau qui « coule sous les ponts« , elles furent creusées inexorablement par une cascade ou un filet d’eau continu, même s’ils ont depuis longtemps disparus.
Les blocs les moins massifs ayant été déplacés au gré des crues printanières ou estivales, les éloignants de ces « burins aquatiques« .
L’éolisation que l’on retrouve sur des roches plus tendres n’a pas de prise sur le granite.
En géomorphologie, les cupules sont dit en « creux de dissolution« , qui se sont formées sur des roches principalement sédimentaires, tel les conglomérats ou les grés.

Dans des zones karstiques, on parle de « Kamenitza« . Les cupules que l’on y trouve peuvent être de grandes dimensions.
On parle alors de bassins, bassines, vasques, etc.
La création naturelle par l’érosion mécanique et chimique de l’eau de ruissèlement frappant continuellement sur la roche, creuse leur sphéricité.
Les débris végétaux stagnants et pourrissants dans l’amorce des futures cupules, augmente l’acidité humique au ph très bas, qui finira avec le temps par corroder la roche la plus dure.
Quand plusieurs cupules s’amorcent, elles finiront par se rejoindre.
On parle alors de cupules coalescentes.
La tradition populaire broda sur ces étranges formations, leur conférant une origine mythique telle les nombreuses « Pierres aux fées« , voire diabolique quand le christianisme émergeant chercha à extirper les anciennes croyances du cœur et des esprits païens…
Le clergé répandit alors les légendes de « Pierres aux sacrifices« , semant le trouble dans les esprits de leurs ouailles…
Le temps aidant, les petites gens comme l’on disait à l’époque, crurent ces fariboles.
Une seule acception est réelle quand on définit une de ces vasques par le vocable de : « Fontaine des Oiseaux« .
En effet, les merles les fréquentent assidûment afin de faire leur toilette avant de s’ébrouer.
Même si ces cupules et bassins sont naturels, cela n’exclut en rien leur utilisation au cours des époques par l’homme… et la femme.
Certaines en effet montrent des traces de surcreusement, ou tout le moins d’aménagement, allant jusqu’au creusement d’une rigole afin d’évacuer l’eau et tout autre liquide que l’on put y verser.
Comme en archéologie funéraire nous pouvons parler de remploi ou de bassins secondaires.
Ajoutons que si les cupules étaient toutes naturelles, nous aurions du en trouver dans la rivière Bouigane en vallée de la Bellongue, où l’on trouve aussi des blocs de granit…

Les cupules anthropisées
Comme nous le précisions dans le paragraphe précédent, le choix des concepteurs de cupules se porta sur le granite qui allie la facilité de creusement sans que la roche éclate en écailles, comme cela est le cas pour le calcaire.
Exception faites du mont Bego et de la vallée des Merveilles à ses pieds, ainsi que dans le Valcamonica voisin, où elles furent piquetées sur des dalles de schiste vert ou orange, celles que l’on trouve en Bretagne, en Savoie / Ht Savoie et dans les vallées pyrénéennes que nous étudions, trouvèrent leur place sur des blocs et des dalles de granit.

Certains chemins furent balisés par des cupules soit à sens unique, soit à double sens, ce qui n’accrédite pas la thèse de leur formation par la seule action géologique.
Concentrées autour des habitats et des sépultures, cela aussi ne peut être le fruit du hasard, pas plus que certaines aires pastorales d’altitude délimitées par un cordon cupulaire.
Par quel hasard extraordinaire des blocs cupulés naturellement se seraient-ils retrouvés en plus grand nombre, proche de ces zones précises ?
Nous entrerons plus avant dans le détail, lorsque notre rapport définitif sera déposé avec un ISBN, afin que nos travaux soient protégés des plagieurs qui sont nombreux, y compris parmi quelques archéologues professionnels… Dixit l’expérience de Jérôme et d’autres de nos connaissances.
Une constante rencontrée au cours de nos recherches in situ, est la place que les cupules occupent sur les blocs.
Sur les 14002 répertoriés à ce jour, une majorité des représentations zoomorphes, anthropomorphes ou thériomorphes que nous avons relevé, occupent une place bien particulière sur les blocs /dalles hôtes.
Soit l’emplacement des orifices naturels : yeux, bouche, oreilles… qui ne laisse aucune place au hasard que seul l’érosion de l’eau ou des caprices de la géologie eut été capables de distribuer aléatoirement.
Sur les autres blocs, les cupules ont généralement une place plus ou moins centrale.
Les associations de blocs cupulés comme vous pouvez le voir sur le cliché ci-dessus, n’est pas fortuit.
La possibilité que ce fut au gré des crues successives du ruisseau qu’ils se soient retrouvés jumelés est de l’ordre de 1/120000…
Néanmoins, cela ne prouve n rien que nous la devons à des hommes du néolithique ou de la protohistoire ; vous ou moi et quiconque, aurions très pu les assembler hier.
Ce n’est pas de notre fait, je vous l’assure…
Adjonction d’une cupule à une autre naturelle
Une autre constatation accrédite l’anthropisation des cupules quand ces dernières se trouvent sur des roches ou blocs, dont les formes évoquent immanquablement des animaux, voire une humanité qui sautent aux yeux au premier coup d’œil.
Le cliché ci-dessous est particulièrement parlant pour qu’il se passe de commentaires…

Cette représentation humaine ou semi-humaine répond à la nécessité d’être préservée de l’action érosive de l’eau.
Son visage fut donc tourné vers l’aval, au même titre que les 95% de cupules aquatiques que nous avons classé.
In fine, les statistiques font pencher la balance vers l’anthropisation
À notre connaissance, aucune étude archéologique parle de cupules aquatiques.
Celles étudiées sont toujours « Inland« , soit sur terre. Il semblerait que l’étude que nous ayons entamé dans les ruisseaux de nos zones de prospection soient unique au monde.
Toutes les cupules étudiées étudié – Lez, Riberot, Orle -, sont à 95% tournées vers l’aval. 1°% faisant exceptions sont positionnées de côté, ce qui les préserve tout aussi bien des assauts continus de l’eau.
Il peut nous être rétorqué que les cupules furent creusées dans les blocs par le fil de l’eau, avant qu’ils ne fussent roulés au gré des crues exceptionnelles, ce qui aura eu pour conséquence de les positionner vers l’aval, les autres étant face contre le lit de la rivière et ne pouvant dès lors apparaître…
Nous nous sommes posés évidemment la question.
Néanmoins, nous avons constaté que la concentration de cupules en certains endroits comme nous le développerons dans de prochains articles, n’est pas aléatoire mais bien le résultat d’une intentionnalité toute humaine.
De plus, leur nombre croit à proximité des sépultures et des habitats protohistoriques ; ceci n’étant pas anodin.

Le choix même du granit pour la conception de cupules montre à l’évidence que ceux qui les conçurent connaissaient les différentes duretés des roches qu’ils avaient à disposition dans leur environnement.
Quel que fut la préoccupation qui les animait en les creusant, il ressort à l’évidence qu’ils inscrivirent leur démarche sculpturale dans la durée, pour ne pas dire dans l’éternité ; la proximité de cupules ⊕ et ⊖ aux abords des sépultures sous roches, militant en ce sens.
Nous ne serions pas complets en précisant que certains chemins pour le coup « ancestraux » sont cupulés à espaces réguliers, à sens unique.
À savoir, qu’elles ne peuvent être vues que lorsque le pérégrin monte ou descend.
C’est à ce jour la première fois que l’on constate un tel système de part le monde, toutes publications internationales confondues.
Ci-dessous : d’autres beaux exemples de cupules anthropisées, que nous sommes heureux de vous présenter.










Ces visuels sont d’autant de preuves de la présence très ancienne d’activités humaines dans les vallées du haut-Lez. Notez la richesse et la diversité des formes et des blocs à cupules.
- Auteurs : Claude Moune, Jérôme Ramond & Vivien Laïlle.
- Nos recherches sont basées uniquement sur la prospection visuelle. Nous ne faisons pas de prospections invasives, la législation nous l’interdisant.
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