
Les maures à Bethmale(Temps de lecture estimé : 17 minutes)
. J’avais envie de revenir sur les traces peu profondes du passage des sarrasins dans la poudreuse saupoudrant nos vallées.
. Je voudrais commencer par une lapalissade : nous ne manquons pas de ports en Couserans… je ne parle pas -phonétiquement -, de l’animal préféré des sarrasins mais des passages entre le royaume maure Al Andalous et notre douce France. Salau, Marterat et Orle pour les plus cités.
. Le Couserans n’étant toujours pas le Bhoutan, quoique – la haute frontière est perméable à toutes invasions. La proximité avec le royaume Maure ne pouvait qu’engendrer des razzias – terme venant de l’arabe -.
. Ceci étant écrit, mon approche s’articulera en trois points : La légende du costume de Bethmale, le hautbois Bethmalais, ainsi que la mythologie couserannaise. La diffusion de la graine de Sarrazin alias blé noir sera abordée, avant de se demander pourquoi Bethmale plutôt qu’une autre vallée ?
1/ En vallée de Bethmale « Les sabots de la belle Hélène étant tout crottés », ceux de son soupirant étant tout pointus – comme des cornes de cocus diront les mauvaises langues, bien que cette analogie soit assez parlante, imagée et probante-. Sans comparaison aucune, les babouches portées encore aujourd’hui dans le Maghreb est pour le moins troublante, Cf. photos. La coiffe des Bethmalais ressemble à s’y méprendre à celle portée par les Berbères, le bonnet Phrygien porté depuis l’antiquité par nombre de populations orientales, moyen-orientales et maghrébines. Les bethmalaises portent quant à elles portent cette coiffe rouge que vous pourrez comparer avec les photos de femmes arabes en fin d’article, le bleu et le rouge étant leurs couleurs traditionnelles. Ne vous imaginez pas les femmes arabes telles qu’on es voient de nos jours : voilées et enchâssées dans un long abaya. Ayant envahit l’Espagne, ils y restèrent sept siècles durant, ce qui ne manqua pas de favoriser des échanges musclés mais aussi commerciaux à défaut d’être amicaux ; bien que la légende des sabots indique là encore le contraire. Les spécialistes qui se penchèrent sur le costume semblent opter pour un apport étranger : Jouanissou revenant d’orient « vers 1600 », et s’installant dans la vallée avec « douze femmes ».
. Ce détail est plus proche de la sourate 4, verset 3 du Coran, que de Timothée 3.2 et Tite 1.6 du Nouveau Testament. L’histoire nous conte que Jouanissou revient de Grèce. Avant la prise de Constantinople en 1453, elle passa sous domination ottomane pendant quatre siècles, ce qui pourrait expliquer les douze épouses. Cela aurait impliqué sa conversion forcée ou intéressée, et expliquerait ce nombre pléthorique d’épouses – moyen toujours employé par Dahesh pour rallier de nouvelles recrues- . Le conte relate que ce bon « Jouanisssou, s’était en bon montagnard habitué aux coutumes de ces peuples ».
. À l’instar des envahisseurs Turcs « Il avait son harem… il avait choisit douze de ses plus elles femmes… ». Plus loin : « Peu à peu, les fils et les filles, les petits fils, arrières petit-fils peuplèrent toute la vallée. Ces mariages consanguins gardèrent aux habitants une pureté de lige etc. On ne sait si l’auteur plaisante ou divague ; la consanguinité gardienne de la pureté de la race. Le fait est, que le harem est bien une composante de la culture musulmane et non chrétienne. Plus loin encore : « Hélas ! Ces mœurs inaccoutumés scandalisèrent les habitants des vallées voisines, qui mirent la vallée au ban de l’humanité et nommèrent la vallée ‘Vallée maudite » Bethmale.
. L’auteur aime visiblement les répétitions. Néanmoins le récit n’en reste pas moins captivant et intrigant. Dans un monde chrétien, quoi de plus normal d’être mit « au banc de l’humanité « lorsque l’on s’est converti à l’islam. Diantre me direz-vous. Car si Jouanissou adopta les mœurs des turcomanes, le récit pourrait sous-entendre qu’il convertit à son tour les habitants de la vallée, surtout après avoir été si chaleureusement accueilli. De plus, douze femmes pour un seul homme, cela donnerait des idées à tout honnête homme… Car ne nous y trompons pas, ce ne peut être à cause d’un costume que les autres vallées rompent tout contact avec Bethmale ; seul des motifs plus graves et entre autre religieux, les poussèrent à cette mise en quarantaine.
. Je voudrais clôturer cette digression, en notant que Bet male se traduit en arabe par : « Pari masculin »… c’en est un que de manager douze femmes. Autre traduction : « L’argent de la maison ». Ajoutons que la traduction habituelle Beth (beau) et Mal (montagne) est intéressante, le beau et le mal rimant parfois ensemble car comme chacun sait, l’enfer est pavé de bonnes intention. Et c’est de mal dont il est question dans la seconde traduction courante Valh (val) et Mal (mauvaise) qui correspondrait mieux au séjour des mahométanes en ces lieux.
. Le récit nous apprend « qu’il établit son premier camp sur le promontoire d’or l’on pouvait surveiller la vallée » ; étrange attitude pour quelqu’un qui revient au pays et fut fêté comme un bienheureux revenant… Cela ressemble plutôt à une occupation étrangère retranchée dans sont fortin, et nous ramène à une autre légende bethmalaise, celle du « Castel de Bramevaque ». L’étymologie étant gauloise : Bram (la tribu, vac ( glorieux, fort) que l’on peut traduire par : « Village de la glorieuse tribu des Bram ». Ceci nous renvois à une occupation bien plus ancienne. Bram, tribu celte qui laissa son nom à la ville de Bram (Aude). Le gascon plus matériel préfère rester sur le plancher des vaches et traduit : Bramar (bramer, beugler) et vaca (vache), soit un pâturage pauvre, ou bien, la vache qui beugle.
. Ceci est tout aussi respectable. Du même coup, cela réouvre la discussion sur l’occupation celte en Couserans… d’autant que la légende d’une cloche d’or sous les ruines, protégée par un serpent ne brouille par la piste celte, avec son monde féérique. Je referme la parenthèse, sinon, ami lecteur, c’est un livre que tu vas te taper sic.
. Cette histoire exotique mais peut être véridique du port du costume bethmalais, expliquerait la ressemblance des costumes traditionnels grec et bethmalais, que les spécialistes comme le comte Jacques Bégouen relevèrent. L’abbé Duclos fut d’un tout autre avis, pour le moins original mais qui sait, peut être exact, l’attribua à une peuplade d’irlandais, habitants une île grecque… Il y a au moins entre les deux hommes concordance de lieu. Le camp opposé de spécialiste opte pour un costume tardif, ce qui expliquerait que l’on n’en trouve description avant ; selon.
. « La légende des sabots » parle du chef maure Al- mansour (Al Mansur), selon calife abbasside, né en 714 et mort le 7 octobre 775. Les maures prirent le château de Bramevaque, ce qui implique qu’il fut antérieur à leur venue. Cela accrédite l’occupation celte mais contredit la « La légende du costume ». (La dynastie abbasside succéda à la dynastie omeyyade en 750, après la bataille « Du Grand Zab » ; les dates concordent donc avec Al Mansur). Plus loin, le texte relate la vengeance des pâtres bethmalais – donc de souche – qui massacrèrent au son du hillet les mahométans dans leur sommeil, ces derniers étant ivre d’alcool. Boire de est « haram » péché) pour un musulman – sourate de la vache 219(encore elle) 90-91, des femmes 43, n’y voyez aucune mauvaise allusion, toutes deux contredites par les sourates 15, 25-28 (bue par ceux qui sont proches de Dieu et 67 qui en légitime la présence –
. Dans les faits et la pratique les musulmans ne doivent pas boire et ceci n’accrédite plus l’implantation maure. Haram est un péché contre le sacré, (haram) dualité subtile et riche d’enseignement comme en recèle la philosophie musulmane.
. L’isolement de la vallée – toute relative – qui aurait favorisée un costume différent de ceux portés dans les autres vallées, ne peut être retenue, le Biros étant de loin, bien plus isolé. En outre, la photo si belle de naturel qui émaille l’ouvrage de David Cau-Durban « Vallée de Bethmale » Cf. fin d’article, rappelle la façon communautaire de s’asseoir des berbères d’Afrique du nord et de l’Afrique noire sous l’arbre à palabres pour cette dernière.
2/ Le hautbois rythmant les danses rappelle le Mizmar berbère. Les deux cercles que femmes et hommes décrivent dans la danse bethmalaise sont étrangement ressemblants avec celles pratiquées par les berbères, ainsi que les circonvolutions que les danseurs et danseuses exécutent. Mais me direz-vous, toutes danses est une cosmogonie qui « retrace » les pérégrinations du dieu solaire, et vous avez certainement raison. Je laisse à chacun le soin de faire sa religion, en comparant différences et ressemblances sur Youtube.
3/ La mythologie locale est riche de détails pour le moins troublants.
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Commmençons par le conte le plus connu: « Eras Oueillos anticos » et les mésaventures du pâtre Mount-Ner (mount est la montagne comme en anglais). Le tiret « – » et la majuscule indiquent comme les noms de saints, que c’est une personne qui donna le vocable du lieu décrit dans la légende. Ce récit mythologique indo-européen christianisé, n’en laisse pas moins exsuder des indices propices à la démonstration. Le caractère irascible du berger le « porta » à rencontrer Dieu. Oui mais lequel ? Assurément, pas celui des chrétiens. Je sens un léger frémissement dans le lectorat… En vérité je vous le dis – non je ne blasphème pas -, quand Dieu pose la question au berger : « Pâtre, où conduis-tu tes bêtes ? » – Au lac rond. – Allusion au disque solaire – –
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. Tu dois dire : Si Dieu le veut. Devant l’insolence de la réponse, le mécréant et ses pauvres ouilles et son fidèle chiens qui pour ces dernièrs n’y étaient pour rien, sont transformés en pierres ou montagne, selon – d’où Mount-Ne pour désigner le lieu où la pétrification s’opéra et changea ce « cœur de pierre » en bloc -, reprenant en cela l’épisode de la femme de Loth changée en pierre de sel près de la mer morte, (Genèse 19 :26). À ce sujet en Israel, on dit Yam a mélar (la mer salée).
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. « Si Dieu le veut » : Cet impératif est inhabituel dans le langage chrétien. Il est plutôt réservé aux musulmans. Qui n’a pas entendu le fameux « Inch Allah ! ». Avant de partir l’assaut, les chevaliers templiers ou non, s’écriaient : « Dieu le veut », ce qui n’a strictement pas le même sens. « Si Dieu le veut » repose sur la sourate « Al-Kahf du Coran, alternatif à ses heures… 23 « Ne dis jamais, à propos d’une chose : Je la ferai sûrement demain. » Ce qui introduit le conditionnel à toutes actes que nous pouvons faire ou penser ; la certitude restant le privilège de d’Allah.
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. Caresse l’espoir de voir ton vœu se réaliser. D’où l’importance des Djins «(esprits) très présents dans la religion ismaélite. « La lampe d’Aladin », n’est rien d’autre que la réalisation de Inch Allah. La réponse à tout ce qui arrive qu’il soit désiré ou non est : « Ma Shaa Allah » (Dieu l’a voulu). Ce subtil emploi du passé composé dans la sentence, résume l’accomplissement, qui ne peut venir que de la seule volonté et parfois même du bon vouloir d’Allah.
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. Une autre approche du vœu est « Law cha’ Allah » (si Allah voulait – le voulait -), exprimant le désarroi du suppliant dans son fol espoir. On retrouve l’équivalent dans l’espagnol (ojala) et le portugais :(oxala). Dans les deux langues cela se traduit par : Espérons que… Souvenons nous que le mont Balam dominant Bethmale fut aussi christianisé à l’instar du mont Vallier et de la crête des Antiques – référence à peine voilée à l’avant christianisme – ses trois cimes renvoient à la triade capitoline des romains : Jupiter, Mars Quirinal et celle équivalente celte : Teutatès (le père de la nation), Esus, Taranis de l’étang des Cruzous etc.
. Un autre indice nous est donné dans ce même mythe de « Mount Ner le berger ». Le conteur biroussan renommé, notre ami Jean-François Chertier nous parle d’un vent de sable qui se leva… ce ne peut être le vent d’Autan ; seul le Sirocco charrie du sable. Hasard supplémentaire me direz-vous ; néanmoins cela fait deux indices concordants. En occident on dit : Siroc : vent du Sud Est (levant) ou Sud Sud Est (au mi jour / midi). On le nomme aussi : Eisseroc -
. Balam, démo que l’on invoque, et /ou le prophète biblique Balaam qui maudit les israélites au nom du roi Moab et qu’il finira par bénir. Le ruisseau qui coule enfin des jours heureux se nomme : le Balamet. Là encore, une trace presque effacée de notre passé quand il rima avec paganisme. Néanmoins, il y a encore quelques décennies, les pâtres se réunissaient en un cercle silencieux, pour attendre le lever du roi soleil au solstice d’été. Bal, Bel(énos) et sa fête de Beltaine – notre 1er mai -, Bélisama, déesse solaire s’il en est, sont chez les celtes des divinités solaires par excellence. Ce qui relance pour la 2sd fois la trace des celtes. Je n’aborderai pas ici le Dis Pater dont parle César. Ouf vous dites-vous intérieurement.
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. Le second moins connu mais encore plus intéressante car représentant un fond pré-indo-européen, relatant la cosmogonie de la création et le mythe solaire qui s’y développe, retranscrit le calendrier annuel qui s’accomplit par la course du soleil en une nuit. Hélas christianisé, il laisse assez de traces évidentes pour que l’on retourne son chemin dans les ténèbres.
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. C’est l’histoire de « Balezil l’isard blanc ». Nous revoilà au sein de la harde et comme hier, au milieu de l’étymologie hardie. Les chevreaux ont comme le soulignait Jean Joseph, une étoile blanche sur le front, d’où le nom basque «Sarrio » Celui de la légende est un chevreau blanc que les montagnes ont désignées comme roi des isards – les montagnes sont divinisées ; pour cause, elles sont les premiers dieux des mythologies montagnardes, tel qu’on le rencontre en Grèce au mont Olympe et Parnasse. Il doit au cours d’une nuit partir du Crabère où il est né, relier le mont Vallier avant le lever du soleil, accompagné des aigles et de leur chef blanc lui aussi…
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. Il y parvient avec sa harde et cueille la fleur blanche éternelle « l’édelweiss » qu’il tend au roi des aigles de blanc plumé, signa t par ce geste la paix entre la corne et le bec. À la redescende il est abattu avec sa harde par une volée de flèche maures… Nous y voilà. Je ne développerait pas plus avant, cqfd – ce qu’il fallait démonte – est achevé.
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Nous ne passerons pas sous silence la céréale le sarrasin, qui malgré son nom évocateur n’a aucun rapport avec les maures qui auraient pu l’apporter en Couserans avec armes et bagages. En fait, au moyen-âge, tout ce qui venait d’orient était considéré comme sarrasin. Je vous dirais ces braves gens n’avaient pas voir, car je ne vois pas autre chose au moyen-orient que des maures (mauri en latin)… si ce n’est les juifs qui étaient aussi des sémites ; les séfarades étant les juifs expulsés d’Espagne lors de la Reconquista.
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. Les autres, qu’ils fussent chrétiens coptes, syriaques, druzzes sont tous encore aujourd’hui des arabes. Un conseil ; ne dites jamais à un druzze (prononcez drouzze), qu’il est arabe ; il le prendra très mal ! Quant au sarrasin, il nous vient de chine et chemina vers la Russie qui essaima jusqu’en Europe.
4/ Pour que l’étude soit le plus exhaustive possible, il faudrait étudier les spécialités culinaires de la vallée pour les comparer avec celles berbères et arabes mais cela dépasserait le cadre de cette étude… j’en entends qui poussent un soupir de soulagement ; comme je les comprends.
. Claude MOUNE
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. Famille Bethmalaise fin XIXe Famille Berbère, années 2000
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. Jeune bethmalaise Jeune berbère
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. Coiffe phrygienne a traversée les siècles
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. Joueur de hautbois bethmalais Zurna berbère
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. Babouche (Naalbouk) arabe Sabot bethmalais
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. De nos jours, certains le rêvent ; d’autres le réalisèrent… le Grand Kalifat.
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